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Le conte du naufragé

 
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Marie*
Modératrice - Chevalier Gentil


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MessagePosté le: 13 Juil 2007 11:14    Sujet du message: Le conte du naufragé Répondre en citant

(environ 2000 ans av J-C) d'après le papyrus n°1115 du musée de St. Pétersbourg


Le cadre est constitué par les paroles que le « suivant expérimenté » adresse à un haut-fonctionnaire (ou un prince) ; des deux protagonistes, l’un est un subordonné, mais plus âgé (le « suivant expérimenté ») et l’autre, son supérieur, plus jeune et apparemment inexpérimenté ; les circonstances de ce dialogue : le retour d’une expédition maritime (à Pount ?) qu’on devine, entre les mots, s’être avérée infructueuse, même si tout le monde est rentré sain et sauf.
Le lieu de ce dialogue : quelque part en Egypte, près de la Résidence royale du moment.

Pour requinquer son jeune supérieur qui craint visiblement les réprimandes royales (voir plus…) malgré les conseils du vieux suivant (on a là l’amorce d’une « sagesse »), ce dernier va lui faire le récit d’une expédition catastrophique à laquelle il a participé autrefois et qui s’est heureusement terminée
(extrait de la présentation et lecture du texte de Daniel Benoit
-http://www.thot-scribe.net/docs/2004_2005/conte_naufrage.pdf )

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

- Le Serviteur habile dit :
" Sain soit ton coeur, mon chef, car voici, nous sommes arrivés au pays : on a pris le maillet, on a enfoncé le pieu, la poupe du navire a été mise contre terre.
On a poussé l'acclamation, on a adoré et tous les gens s'embrassent les uns les autres.
Nos matelots à nous sont revenus en bon état, sans qu'il nous manque un seul de nos soldats.
Nous avons atteint les extrémités du pays d'Ouaouaît, nous avons traversé Sanmouît, et nous maintenant nous revenons en paix, et notre pays nous y arrivons !

Ecoute-moi, mon chef, car je suis sans ressource.
Lave-toi, verse l'eau sur les doigts, puis présente ta prière et dis ton coeur au roi, et quand tu parleras ne te démonte pas, car si la bouche de l'homme le sauve, sa parole lui fait voiler le visage. Agis selon les mouvements de ton coeur, et que ce soit un apaisement ce que tu diras.

Or, je te ferai le conte exact de ce qui m'est arrivé à moi-même.
J'allais aux mines du Souverain, et j'étais descendu en mer sur un navire de cent cinquante coudées de long sur quarante coudées de large qui portait cent cinquante matelots de l'élite du pays d'Egypte, qui avaient vu le ciel, qui avaient vu la terre, et qui étaient plus hardis de coeur que des lions.

Ils avaient prédit que la bourrasque ne viendrait pas, que le désastre ne se produirait pas, mais la bourrasque éclata tandis que nous étions au large, et, avant même que nous eussions joint la terre, la brise força et elle souleva une vague de huit coudées.

Une planche, je l'arrachai ; quant au navire, ceux qui le montaient périrent sans qu'il en restât un seul.

Moi donc, j'abordai à une île et ce fut grâce à un flot de la mer.
Je passai trois jours seul, sans autre compagnon que mon coeur, et la nuit je me couchai sous une voûte de buissons où l'ombre m'enveloppait, puis j'allongeai les jambes à la recherche de quelque chose pour ma bouche.
Je trouvai là des figues et du raisin, des poireaux magnifiques, des baies et des graines, des melons de toute espèce, des poissons, des oiseaux ; il n'y avait chose qui ne s'y trouvât.
Donc, je me rassasiai, je posai à terre une partie de ce dont mes mains étaient chargées : je creusai une fosse, j'allumai un feu, et je dressai un bûcher de sacrifice aux dieux.

" Voici que j'entendis une voix tonnante, et je pensai : C'est une vague de mer " Les arbres frissonnèrent, la terre trembla, je dévoilai ma face et je connus que c'était un serpent qui venait, long de trente coudées, et dont la barbe dépassait deux coudées ; son corps était incrusté d'or, sa couleur comme celle du lapis vrai, et il s'arrêta en avant de moi.

Il ouvrit la bouche contre moi, tandis que je restais sur le ventre devant lui, il me dit :
" Qui t'a amené, qui t'a amené, vassal, qui t'a amené ? Si tu tardes à me dire qui t'a amené dans cette île, je te ferai connaître ce que tu es : ou, dans la flamme, tu deviendras invisible, ou tu me diras ce que je n'ai pas entendu et que j'ignorais avant toi ".

Puis il me prit dans sa bouche, il me transporta à son gîte et il m'y déposa sans que j'eusse du mal ; j'étais sain et sauf et rien ne m'avait été enlevé.

Lors donc qu'il eut ouvert la bouche, tandis que je restais sur le ventre devant lui, et lorsqu'il m'eut dit :
" Qui t'a amené, qui t'a amené, vassal, en cette île de la mer et dont les deux rives sont des flots ? "
Je lui répondis ceci, les mains pendantes devant lui, et je lui dis :
" Moi, je descendais aux mines, en mission du Souverain, sur un navire de cent cinquante coudées de long sur quarante de large, et qui portait cent cinquante matelots de l'élite du pays d'Egypte, qui avaient vu le ciel, qui avaient vu la terre, et qui étaient plus hardis de coeur que des lions.
Ils avaient prédit que la bourrasque ne viendrait pas, que le désastre ne se produirait pas ; chacun d'eux était hardi de coeur et fort de bras plus que ses compagnons et il n'y avait point de lâches parmi eux.
Or la bourrasque éclata tandis que nous étions au large, et avant que nous eussions joint la terre, la brise força et elle souleva une vague de huit coudées.
Une planche, je l'arrachai ; quant au navire, ceux qui le montaient périrent, sans qu'il en restât un seul durant mes trois jours, et maintenant me voici près de toi. Moi donc j'abordai dans cette île et ce fut grâce à un flot de la mer ".

Il me dit :
" Ne crains pas, ne crains pas, vassal, et n'attriste pas ton visage ! Si tu arrives à moi, c'est que le dieu a permis que tu vécusses, et il t'a amené à cette Ile de Double (?) où il n'y a chose qui ne s'y trouve, et qui est remplie de toutes les bonnes choses.

Voici, tu passeras mois sur mois jusqu'à ce que tu aies séjourné quatre mois dans cette île, puis un navire viendra du pays avec des matelots ; tu pourras aller avec eux au pays et tu mourras dans ta ville.
C'est joie de raconter pour qui a goûté le passage des tristesses : je te ferai le conte exact de ce qu'il y a dans cette île.
J'y suis avec mes frères et mes enfants, au milieu d'eux : nous sommes au nombre de soixante-quinze serpents, mes enfants et mes frères, et encore je ne mentionne pas une jeune fille qui m'a été amenée par art magique.
Car une étoile étant tombée, ceux qui étaient dans le feu avec elle en sortirent, et la jeune fille parut, sans que je fusse avec les êtres de la flamme, sans que je fusse au milieu d'eux, sans quoi je serais mort de leur fait, mais je la trouvai ensuite parmi les cadavres, seule.

Si tu es brave et que ton coeur soit fort, tu serreras tes enfants sur ton sein, tu embrasseras ta femme, tu verras ta maison, ce qui vaut mieux que tout, tu atteindras le pays et tu y seras au milieu de tes frères ! "

Alors je m'allongeai sur mon ventre et je touchai le sol devant lui.
" Voici ce que j'ai à te dire : Je décrirai tes âmes au Souverain, je lui ferai savoir ta grandeur, et je te ferai porter du fard, du parfum d'acclamation, de la pommade, de la casse, de l'encens des temples dont on se gagne la faveur de tout dieu.
Je conterai ensuite ce qu'il m'est arrivé de voir, et on t'adorera dans ta ville en présence des notables de la Terre-Entière : J'égorgerai pour toi des taureaux pour les passer au feu, j'étranglerai pour toi des oiseaux, et je te ferai amener des navires chargés de toutes les richesses de l'Egypte, comme on fait à un dieu, ami des hommes dans un pays éloigné que les hommes ne connaissent point.

Il rit de moi et de ce que je disais, à cause de ce qu'il avait en son coeur, il me dit : " Tu n'es pas riche en myrrhe, tout ce qui existe chez toi, c'est de l'encens. Mais moi, je suis le souverain du pays de Pouanit, et j'ai de la myrrhe ; seul, ce parfum d'acclamation que tu parles de m'envoyer, il n'est pas abondant en cette île. Mais il adviendra que, sitôt éloigné de cette place, plus jamais tu ne reverras cette île, qui se transformera en flots ".

Et quand le navire vint ainsi qu'il avait prédit d'avance, je me juchai sur un arbre élevé et j'observai ceux qui y étaient. J'allai ensuite lui communiquer cette nouvelle, mais je trouvai qu'il la connaissait.

Il me dit : " Bonne chance, bonne chance, vassal, vers ta demeure, vois tes enfants et que ton nom soit bon dans ta ville ; voilà mes souhaits pour toi ! "

Lors je m'allongeai sur le ventre, les mains pendantes devant lui, et lui, il me donna des cadeaux de myrrhe, de parfum d'acclamation, de pommade, de casse, de poivre, de fard, de poudre d'antimoine, de cyprès, une quantité d'encens, de queues d'hippopotames, de dents d'éléphants, de lévriers, de cynocéphales, de singes verts, de toutes les richesses excellentes.

Je chargeai le tout sur ce navire puis, je m'étendis sur le ventre et j'adorai le serpent.

Il me dit : " Voici que tu arriveras au pays, en deux mois, tu presseras tes enfants sur ton sein et, par la suite, tu iras te rajeunir dans ton tombeau ".

Et après cela, je descendis au rivage vers ce navire et j'appelai les soldats qui se trouvaient dans ce navire.
Je rendis des actions de grâces sur le rivage au maître de cette île, ainsi qu'à ceux qui y demeuraient.

Lorsque nous fûmes de retour à la résidence du Souverain, nous arrivâmes au palais le deuxième mois, conformément à tout ce que le serpent avait dit.

J'entrai devant le Souverain et je lui présentai ces cadeaux que j'avais apportés de cette île, et il m'adora en présence des notables de la Terre-Entière.
Voici qu'on fit de moi un serviteur et que j'eus accès auprès des premiers autour du roi.
Abaisse ton regard sur moi, maintenant que j'ai rejoint la terre d'Egypte, après que j'ai vu et que j'ai goûté ces épreuves.
Ecoute-moi, car voici, il est bon d'écouter les gens.

Pharaon m'avait dit :
" Deviens un habile, mon ami ! Qui donc donne de l'eau à un oiseau le matin du jour où on doit l'immoler ? "

C'est fini, du commencement jusqu'à la fin, ainsi qu'il a été trouvé en écrit.
Qui l'a écrit, c'est le scribe aux doigts habiles Amoni-Amanâou.
_________________
*Rit Ur* - La Charte des Gentils
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"Les frondaisons du hêtre
Toutes reverdies,
Neuves, bourgeonnantes,
Ne sont plus flétries."

Câd Goddeu
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