La Relation
Nous retrouvons ici l’origine de la sagesse, du savoir (la tamatiliztli des Nahua), que les tlamatinime avouent détenir de leurs ancêtres les « Toltecat », ces hommes de connaissance qui étaient capables de dépasser leur condition humaine.
Voici la Relation
que les Anciens avaient l’habitude de faire :
à une époque
que personne ne peut calculer,
dont personne ne peut avoir le souvenir,
ceux qui vinrent ici semer
les aïeux, les aïeules,
arrivèrent,
suivirent le chemin,
le nettoyèrent, l’achevèrent,
ils vinrent gouverner cette terre
qui était désignée par un seul nom,
comme si c’était devenu un monde réduit.
Ils arrivèrent par eau, sur des bateaux,
en plusieurs groupes
ils débarquèrent au bord de l’eau
sur la côte nord, où ils laissèrent leurs barques.
Cet endroit s’appelle
Panutla,
ce qui signifie
« par où l’on passe sur l’eau ».
Maintenant on dit Pantla (Panuco).
Puis ils longèrent le bord de l’eau,
cherchant les montagnes,
des montagnes blanches
et d’autres qui fument...
Mais ils n’allaient pas pour leur plaisir,
leurs prêtres les guidaient
et leur dieu leur parlait.
Ils arrivèrent
à l’endroit qui se nomme Tamoanchan,
qui veut dire « nous cherchons notre maison ».
Et ils y demeurèrent quelque temps.
Ceux qui demeuraient là étaient des sages,
ceux qu’on appelle les maîtres des codex.
Mais ils n'y demeurèrent pas longtemps,
les sages partirent, regagnèrent leurs barques,
en emportant l’encre noire et rouge,
les Codex et les peintures,
en emportant tous les arts,
la musique des flûtes.
Et, quand ils furent sur le point de partir,
ils convoquèrent tous ceux qui allaient rester
et leur dirent
« Notre Seigneur,
Tloque Nahuaque,
qui est Nuit et Vent,
a dit que vous vivrez ici,
que c’est ici que nous vous avons semés,
cette terre, c’est notre Seigneur qui vous l’a donnée,
c’est ce que vous méritez, votre récompense.
Maintenant, lentement, notre Seigneur s’en va plus loin,
notre Seigneur Tloque Nahuaque.
Et nous partons avec lui, nous l’accompagnons,
partout où il va,
le Seigneur Nuit, Vent,
notre Seigneur Tloque Nahuaque,
car il s’en va, mais reviendra,
il apparaîtra à nouveau,
viendra vous rendre visite,
quand son chemin, la terre, sera sur le point de se terminer,
quand il arrivera à la fin, à son achèvement,
c’est lui qui sortira pour mettre fin au monde.
Mais vous, vous vivrez ici,
C’est ici que vous conserverez votre cadeau, votre récompense,
ce qu’il y a ici, ce qui pousse ici,
ce qui se trouve dans la terre,
sera la récompense de vos mérites.
C’est ainsi que l’a décidé celui que vous avez suivi.
A présent nous partons, nous le suivons
où il va. »
Après cela les porteurs des dieux s’en furent,
ceux qui portaient sur le dos les paquets,
et leur dieu leur parlait, à ce qu’on dit.
Et en partant ils empruntèrent la direction
du visage du soleil,
ils emportèrent l’encre noire et rouge,
les codex, les peintures,
et toute la connaissance, la Toltecáyotl,
ils emportèrent tout,
les livres de chants et les flûtes.
Seuls restèrent
quatre vieux sages :
l’un avait nom Oxomoco,
l’autre, Cipactonal,
les autres, Tlaltetecuin et Xochicahuaca.
Et, quand les sages furent partis,
les quatre vieillards se réunirent et dirent :
Est-ce que le soleil brillera ? Est-ce que le jour se lèvera ?
Comment vont vivre les macehuales ? Comment vont ils s’établir.
Parce qu’ils ont emporté
L’encre noire et rouge (les codex),
parce qu’elle n’est plus là,
comment existeront les macehuales ?
Comment la terre,
la cité,
demeureront ?
Comment y aura-t-il stabilité ?
Qui va nous gouverner,
nous guider,
nous montrer le chemin ?
Quelle sera notre norme ?
Quelle sera notre mesure ?
Quel sera notre modèle ?
D’où faudra-t-il partir ?
Qu’est-ce qui pourra devenir torche et lumière ? ».
C’est alors qu’ils inventèrent le compte des destins,
les annales et le compte des années,
le livre des rêves,
et dès lors tout ce qui a été ordonné et a été conservé,
tout ce qui a été suivi,
pendant tout le temps
que durèrent la seigneurie des Toltèques,
la seigneurie des Tecpanèques,
la seigneurie des Mexica
et toutes les seigneuries des Chichimèques.